Soulever des charges lourdes, répéter les mêmes gestes, travailler dans le froid ou la poussière, effectuer des manœuvres en horaires décalés… Le quotidien d’un cariste est souvent physiquement exigeant, voire à risque. Mais ce niveau d’effort est-il officiellement reconnu comme une pénibilité au travail ? Et surtout : quels droits en découlent ?
En 2025, le Code du travail prévoit plusieurs dispositifs pour compenser les effets d’un emploi reconnu pénible. Cela va du suivi médical renforcé au compte professionnel de prévention (C2P), en passant par des aménagements de poste ou des droits à la retraite anticipée. Encore faut-il savoir si l'on y a droit — et comment les activer.
Dans cet article, nous faisons le point sur la reconnaissance de la pénibilité dans le métier de cariste, les démarches à connaître et les droits concrets que vous pouvez faire valoir.
Le métier de cariste est-il reconnu comme pénible ?
Le métier de cariste n’est pas automatiquement reconnu comme pénible, mais il peut l’être lorsque certaines conditions d’exposition sont réunies. En effet, la loi identifie des facteurs de pénibilité (physiques, organisationnels ou environnementaux) qui, s’ils dépassent certains seuils, ouvrent droit à des compensations.
Dans de nombreux environnements logistiques, industriels ou de grande distribution, les caristes sont régulièrement exposés à ces situations à risque.
📌 Exemples de facteurs de pénibilité pouvant concerner un cariste :
- Les manutentions manuelles de charges
Le cariste manipule souvent des colis, palettes ou marchandises lourdes à la main, en complément de l’usage des chariots. Lorsque le port répété de charges supérieures à 15 kg est constaté, cela entre dans les critères de pénibilité.
- Les postures pénibles et gestes répétitifs
Les rotations de tronc, flexions prolongées, mouvements contraints pour atteindre des zones de stockage, et gestes répétés à fréquence élevée (supérieure à 15 mouvements par minute) sont fréquents dans les opérations de chargement/déchargement.
- Les vibrations mécaniques
Conduire des engins de manutention expose à des vibrations, transmises par le siège ou le plancher. Si ces vibrations dépassent le seuil de 2,5 m/s², elles sont considérées comme pénibles.
- Le bruit
Dans certains entrepôts, le niveau sonore dépasse 81 dB(A) sur 8 heures ou atteint ponctuellement 135 dB(C), ce qui nécessite des protections auditives et peut déclencher une déclaration de pénibilité.
- Le travail de nuit
Travailler au moins une heure entre minuit et 5h, pendant 120 nuits par an, déclenche une exposition au titre de la pénibilité. Cela concerne de nombreux caristes en horaires décalés ou en 3x8.
- Le travail en équipes successives alternantes
Les caristes qui changent d’horaires chaque semaine (ex. : matin / après-midi / nuit) sont concernés. Cela perturbe le rythme biologique et peut être reconnu comme un facteur de pénibilité si effectué au moins 50 nuits par an.
Si ces expositions sont répétées et dépassent les seuils définis par le Code du travail, alors l’emploi peut être déclaré comme “exposant à la pénibilité” par l’employeur. Cela ouvre droit au Compte professionnel de prévention (C2P).
Quels sont les droits associés à la pénibilité pour un cariste ?
Lorsqu’un cariste est exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité reconnus, il peut bénéficier de droits spécifiques encadrés par le Code du travail.
Le compte professionnel de prévention (C2P)
Le C2P est un compte individuel qui permet de cumuler des points lorsqu’un ou plusieurs facteurs de pénibilité sont déclarés par l’employeur via la DSN.
- Qui peut en bénéficier ?
Tous les salariés du secteur privé, y compris en intérim ou CDD.
À condition d’avoir été exposé au moins 3 mois consécutifs dans l’année à un ou plusieurs facteurs.
- Attribution des points :
- 1 facteur déclaré sur 1 an = 4 points
- 2 facteurs ou plus = 8 points maximum/an
- Plafond total : 100 points sur toute la carrière
- Déclaration :
Réalisée par l’employeur via la DSN mensuelle.
Nécessite une évaluation du poste, souvent en lien avec la médecine du travail.
- Utilisation des points :
Objectif | Nombre de points nécessaires |
---|
Formation vers un métier non exposé | 25 points |
Temps partiel payé temps plein | 10 points / trimestre |
Départ anticipé à la retraite | 10 points = 1 trimestre gagné |
🔎 Les 20 premiers points sont automatiquement réservés à la formation, sauf si vous êtes né avant 1960.
Le suivi médical renforcé
Le cariste exposé à la pénibilité a droit à :
- Une visite médicale d’embauche systématique
- Un suivi plus régulier avec le médecin du travail
- Des recommandations d’aménagement de poste ou un reclassement, si nécessaire
La déclaration par l’employeur
C’est à l’employeur d’évaluer les conditions d’exposition et de :
- Déclarer les facteurs concernés dans la DSN
- Mettre en œuvre des mesures de prévention
- Remettre une fiche d’exposition au salarié sur demande
En cas d’omission, le salarié peut saisir :
- Le médecin du travail
- Les représentants du personnel (CSE)
- L’inspection du travail
Peut-on partir à la retraite plus tôt quand on est cariste ?
Oui, grâce aux points C2P, un cariste exposé à la pénibilité peut avancer son départ à la retraite.
- 10 points = 1 trimestre de retraite anticipée
- Maximum : 8 trimestres, soit 2 ans d’anticipation
Conditions à remplir :
- Avoir été exposé à un facteur déclaré au moins 3 mois consécutifs dans l’année
- Les points doivent avoir été acquis et le compte C2P alimenté correctement
- Le départ anticipé s’effectue dans le cadre du régime général
💬 Attention : certains anciens critères comme le froid ou les produits chimiques ne donnent plus droit à des points C2P mais peuvent justifier un suivi médical spécifique.
Cariste et conditions de travail : que prévoit le Code du travail ?
Le Code du travail encadre strictement les conditions d’exercice des métiers dits "physiquement contraignants", dont le métier de cariste peut faire partie. Si l’exposition à la pénibilité est constatée, l’employeur a l’obligation d’agir, à la fois sur le plan préventif, organisationnel et médical.
Prévention des risques professionnels
L’employeur doit mettre en place des mesures de prévention adaptées aux risques identifiés dans l’entreprise :
- Équipements de protection individuelle (EPI) : gants, bouchons d’oreille, gilets de sécurité, chaussures antidérapantes, etc.
- Formation à la sécurité : obligatoire pour la conduite d’engins (CACES), mais aussi sur les gestes et postures.
- Aménagement du poste de travail : limiter les gestes répétitifs, améliorer l’ergonomie, réduire les portages manuels.
- Adaptation des horaires : notamment en cas de travail de nuit ou de pénibilité avérée, pour limiter les rotations excessives.
Droit à la surveillance médicale
Un cariste bénéficie automatiquement :
- D’une visite d’information et de prévention à l’embauche,
- De visites médicales périodiques, selon l’exposition,
- D’un suivi renforcé si le poste est à risque (vibrations, manutention, travail de nuit…),
- D’un accès à un médecin du travail pouvant :
- recommander un aménagement de poste,
- initier un reclassement professionnel,
- proposer une inaptitude si la santé du salarié l’exige.
Droit à l’information
Le salarié doit être :
- informé de ses droits liés à la pénibilité,
- formé aux gestes de prévention,
- tenu au courant de l’existence du C2P et de l’évaluation de son exposition,
- destinataire de sa fiche individuelle d’exposition sur demande.
💬 En cas de carence ou de refus de l’employeur de reconnaître la pénibilité, le salarié peut faire valoir son droit à alerte et à protection, en saisissant le CSE ou l’Inspection du travail.
✅ À retenir : vos réflexes si vous êtes cariste exposé à la pénibilité
- 🔍 Observez vos conditions de travail
Horaires de nuit, charges lourdes, gestes répétitifs, bruit ? Si vous vous reconnaissez dans ces situations, vous êtes peut-être concerné par un ou plusieurs facteurs de pénibilité légaux.
- 📄 Consultez votre convention collective
Elle peut vous ouvrir droit à des primes, jours supplémentaires ou avantages spécifiques. Son nom figure sur votre fiche de paie. En cas de doute, demandez à votre RH ou consultez Légifrance.
- 👥 Appuyez-vous sur vos interlocuteurs internes
Le CSE, le service RH ou le médecin du travail peuvent vous aider à faire reconnaître votre exposition ou à déclencher des aménagements de poste.
- 🧾 Créez votre compte C2P
Accédez à votre solde de points et vérifiez si vos expositions ont bien été déclarées par votre employeur :
👉 compteprofessionneldeprevention.fr