Lorsqu’un intérimaire rejoint une entreprise pour une mission, une question revient souvent : quelle convention collective s’applique réellement ? D’un côté, il dépend de la Convention Collective Nationale des Entreprises de Travail Temporaire (CCN ETT – IDCC 2378), puisque son employeur officiel reste l’agence d’intérim. De l’autre, il évolue au sein d’une entreprise utilisatrice régie par sa propre convention collective. Faut-il alors se référer exclusivement à la CCN de l’intérim, ou certaines règles de l’entreprise hôte s’imposent-elles également ?
Dans cet article, nous faisons le point sur la cohabitation de ces deux conventions afin que vous sachiez exactement quels droits et avantages vous sont applicables.
Comprendre le cadre légal des intérimaires
Le rôle de la convention collective de l’intérim (CCN ETT – IDCC 2378)
La convention collective nationale (CCN) de l’intérim encadre les droits et obligations des travailleurs temporaires ainsi que des entreprises de travail temporaire. Contrairement à une convention classique, elle prend en compte la particularité du statut des intérimaires, qui alternent entre périodes de mission et intermissions. Elle fixe les règles en matière de rémunération, temps de travail, protection sociale et formation, garantissant ainsi un cadre plus sécurisé pour les salariés du secteur.
Elle est donc la référence légale qui s’applique à tous les travailleurs temporaires et aux agences d’intérim qui les emploient. Elle définit notamment :
- La nature du contrat : ses spécificités (dates de début et de fin de mission, motifs de recours, etc.).
- La rémunération : comment elle est calculée et les éventuelles indemnités (prime de fin de mission, ICP, etc.).
- La protection sociale : les conditions de couverture en cas de maladie, d’accident ou d’inaptitude, ainsi que les droits à la prévoyance.
- La formation : les possibilités de montée en compétences pendant et entre les missions (via des dispositifs comme le Compte Personnel de Formation, l’accès à des formations qualifiantes, etc.).
En clair, la CCN ETT sert de socle à votre relation de travail avec l’agence d’intérim. Elle encadre la plupart des règles qui s’appliquent à votre contrat et garantit un certain niveau de protection et d’avantages.
La convention collective de l’entreprise utilisatrice s’applique-t-elle aux intérimaires ?
Oui et non. En tant qu’intérimaire, votre convention de référence est la Convention Collective Nationale des Entreprises de Travail Temporaire (CCN ETT - IDCC 2378). Mais lorsque vous effectuez une mission dans une entreprise utilisatrice, certaines règles de sa propre convention collective peuvent aussi vous concerner.
Quels éléments de la convention de l’entreprise utilisatrice peuvent s’appliquer aux intérimaires ?
Si l’entreprise utilisatrice applique une convention collective spécifique à son secteur (BTP, logistique, industrie, commerce, etc.), certaines de ses dispositions peuvent être étendues aux intérimaires. Cela concerne principalement :
- Les primes spécifiques : certaines entreprises prévoient des primes pour des conditions de travail particulières (prime de froid pour les entrepôts frigorifiques, prime de dangerosité, prime d’insalubrité, prime de panier pour les repas, etc.). Le salarié temporaire peut y avoir droit, à condition que ces primes soient versées aux salariés en CDI pour les mêmes tâches.
- Les avantages collectifs : si l’entreprise offre à ses salariés des avantages comme l’accès à une cantine, une prise en charge des frais de transport ou des indemnités de déplacement, ces droits peuvent aussi être accordés aux travailleurs en mission.
- Les règles de sécurité et les équipements : l’entreprise doit garantir aux travailleurs temporaires les mêmes conditions de sécurité qu’à ses salariés permanents. Cela implique un accès aux équipements de protection individuelle, aux formations en sécurité et aux consignes propres au poste occupé.
- Les durées de travail et repos : certaines conventions collectives prévoient des conditions spécifiques pour les temps de pause, le travail de nuit ou les week-ends. Un intérimaire qui travaille aux mêmes horaires qu’un salarié permanent doit bénéficier des mêmes droits.
En clair, vous êtes avant tout couvert par la convention de l’intérim, mais vous pouvez profiter de certains avantages liés à celle de l’entreprise qui vous accueille.
Comment savoir quelle est ma convention collective ?
Pour connaître votre convention collective, plusieurs solutions :
- Vérifiez votre contrat de mission : La convention applicable y est généralement mentionnée.
- Regardez votre bulletin de paie : Le code IDCC (Identifiant de la Convention Collective) y est souvent indiqué. Pour les travailleurs temporaires, ce sera en principe l’IDCC 2378.
-** Consultez votre agence d’intérim** : Votre employeur légal est l’agence, elle peut donc vous fournir ces informations.
- Recherchez en ligne : En entrant le code IDCC de votre bulletin de paie sur le site du Journal Officiel ou de Légifrance, vous pouvez accéder au texte officiel de votre convention collective
Code du travail vs Convention Collective intérim (CCN ETT) : Comparaison des droits et avantages pour les intérimaires
Pour bien comprendre l’impact de la Convention Collective Nationale des Entreprises de Travail Temporaire (CCN ETT – IDCC 2378) sur votre quotidien en tant qu’intérimaire, il est essentiel de comparer ses dispositions aux règles générales du Code du travail. Dans ce qui suit, nous détaillons point par point les différences et spécificités qui s’appliquent, depuis la période d’essai jusqu’à la rupture du contrat. Cette analyse vous permettra de mieux saisir comment la CCN ETT renforce certains droits et garantit une égalité de traitement avec les salariés permanents de l’entreprise utilisatrice.
1) Période d’essai
Cadre légal général
Le Code du travail définit des durées maximales de période d’essai, adaptées au type de contrat (CDI, CDD) et au statut (ouvrier/employé, agent de maîtrise ou cadre). Dans un CDD, la durée d’essai ne peut dépasser un certain nombre de jours, proportionnel à la durée totale du contrat.
Spécificités pour l’intérim
En intérim, la CCN ETT ne fixe pas de durée unique. On applique surtout le **principe d’égalité de traitement **: la période d’essai d’un intérimaire ne doit pas excéder celle prévue pour un salarié permanent exerçant la même fonction dans l’entreprise utilisatrice. Le contrat de mission précise généralement la durée exacte de cette période.
2) Fin de contrat et indemnités (licenciement, précarité)
Cadre légal général
Le Code du travail encadre notamment le licenciement, la démission ou la rupture conventionnelle, et prévoit une indemnité légale si le salarié remplit certaines conditions d’ancienneté. En CDD, on parle plutôt de prime de précarité quand le contrat arrive à son terme.
Spécificités pour l’intérim
Pour les intérimaires, la relation de travail s’achève le plus souvent à la fin de la mission. On parle alors d’une indemnité de fin de mission (IFM) correspondant la plupart du temps à 10 % du salaire brut total (et non d’un licenciement classique). Par ailleurs, si l’entreprise utilisatrice embauche l’intérimaire en CDI à la fin de sa mission, l’IFM n’est généralement pas due.
3) Primes diverses
Cadre légal général
Hormis le cas d’accords d’entreprise, le Code du travail ne rend pas obligatoire l’attribution de primes spécifiques comme le 13ᵉ mois, les primes de panier ou d’insalubrité. Ces avantages sont souvent négociés soit par voie de convention/accord collectif, soit par usage.
Spécificités pour l’intérim
La CCN ETT n’impose pas de primes supplémentaires par défaut. Cependant, l’intérimaire doit bénéficier des mêmes primes que les salariés permanents pour un poste et des conditions équivalentes (prime de froid, prime d’équipe, prime de risque, etc.). Cette égalité de traitement est un principe fondamental, tant que la prime n’est pas liée à l’ancienneté.
4) Arrêt maladie
Cadre légal général
Le salarié perçoit des indemnités journalières (IJ) de la Sécurité sociale après un délai de carence de 3 jours, sauf exceptions (comme un accident de travail). Les compléments de salaire (maintien partiel ou total) dépendent soit de la loi, soit d’un accord collectif, en fonction de l’ancienneté.
Spécificités pour l’intérim
L’intérimaire bénéficie des mêmes IJ de la Sécurité sociale que tout salarié. La CCN ETT peut prévoir un régime de prévoyance qui verse un complément de salaire, sous conditions. De plus, si l’entreprise utilisatrice maintient intégralement la rémunération de ses propres salariés dès le premier jour d’arrêt, l’intérimaire peut y prétendre également, au nom de l’égalité de traitement.
5) Heures supplémentaires
Cadre légal général
Les heures supplémentaires sont majorées : +25 % pour les huit premières heures au-delà de la durée légale hebdomadaire, puis +50 %. Les conventions ou accords peuvent toutefois améliorer ces taux. Le Code du travail fixe aussi un contingent annuel (220 heures en principe).
Spécificités pour l’intérim
L’entreprise utilisatrice décide de recourir aux heures supplémentaires, mais c’est l’agence d’intérim (employeur légal) qui effectue le paiement. Les taux de majoration appliqués à l’intérimaire doivent être au moins équivalents à ceux consentis aux permanents dans la même situation (poste, horaires, etc.).
6) Événements familiaux
Cadre légal général
Le Code du travail octroie un certain nombre de jours de congés pour mariage, naissance, décès d’un proche, etc. Les durées minimales légales sont, par exemple, de 4 jours pour un mariage ou 3 jours pour une naissance.
Spécificités pour l’intérim
La CCN ETT s’aligne souvent sur ces obligations, mais l’égalité de traitement peut octroyer plus de jours si l’entreprise utilisatrice accorde des congés supplémentaires. L’intérimaire doit s’adresser à son agence d’intérim pour officialiser la prise de congés, même s’il prévient également l’entreprise où il travaille.
7) Congés payés
Cadre légal général
Tout salarié cumule 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois de travail effectif (soit 30 jours ouvrables par an). Un CDD peut soit prendre ses congés pendant son contrat, soit recevoir une indemnité compensatrice à la fin.
Spécificités pour l’intérim
L' ICCP (Indemnité Compensatrice de Congés Payés) représente généralement 10 % de la rémunération brute totale perçue. Elle s’ajoute le plus souvent en fin de mission, en même temps que l’IFM.
8) Temps de pause
Cadre légal général
Le Code du travail impose une pause de 20 minutes au minimum dès que le salarié a travaillé 6 heures consécutives.
Spécificités pour l’intérim
La CCN ETT n’instaure pas de règles plus précises que la loi. Néanmoins, si les salariés permanents de l’entreprise utilisatrice bénéficient de pauses plus longues ou rémunérées, l’intérimaire doit également en profiter, dans la mesure où il occupe un poste similaire.
9) Droit de retrait
Cadre légal général
Tout salarié peut interrompre son travail en cas de danger grave et imminent pour sa santé ou sa sécurité, selon l’article L4131-1 du Code du travail.
Spécificités pour l’intérim
La CCN ETT ne prévoit rien de plus que la législation en vigueur. Le travailleur temporaire a donc les mêmes droits et les mêmes obligations que n’importe quel salarié pour faire valoir ce droit de retrait.
10) Rupture du contrat en dehors du terme
Cadre légal général
En CDI, les modalités de rupture (licenciement, démission, rupture conventionnelle) sont encadrées par la loi. En CDD, on ne peut rompre le contrat avant l’échéance qu’en cas de faute grave, de force majeure, d’accord mutuel, ou d’embauche en CDI.
Spécificités pour l’intérim
Le contrat d’intérim, étant un CDD de mission, prend fin normalement à la date fixée. Une rupture anticipée n’est possible que dans des cas similaires (faute grave, inaptitude, embauche, etc.). C’est l’agence de travail temporaire, en tant qu’employeur légal, qui gère les formalités et le versement éventuel d’indemnités.
En résumé, la CCN ETT (IDCC 2378) ne réécrit pas le Code du travail, mais vient renforcer certains droits et surtout faire respecter l’égalité de traitement avec les salariés permanents de l’entreprise utilisatrice. Les principaux avantages pour l’intérimaire concernent la fin de mission (indemnité de précarité), la flexibilité en cas de primes ou avantages existants dans l’entreprise, et l’accès à un régime de prévoyance spécifique. Pour tous ces motifs, il est essentiel de bien lire son contrat de mission et de se renseigner auprès de l’agence d’intérim pour toute question liée au salaire, aux absences ou à la fin anticipée du contrat.